Avec Tel-avivre.com. Par Misha Uzan
Dizengoff
est sans doute la rue la plus connue de Tel Aviv, et peut-être de tout Israël.
Rue principale du centre de la ville, elle désigne quasiment à elle seule ce
qu'on appelle Lev Haïr, le cœur de la ville. Pour certains, Dizengoff, c'est
tout simplement le cœur d'Israël.
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Méïr Dizengoff |
Du coin
de la rue Ibn Gabirol, à l'intérieur des terres, jusqu'à la zone portuaire de
Tel Aviv, la rue Dizengoff incarne l'histoire de la ville et de son
développement.
Elle
est aujourd'hui célèbre pour son grand centre commercial, mais aussi pour sa
place centrale, le Kikar Dizengoff, ou encore pour ses cafés, en particulier
près du port, et enfin pour ses magasins de vêtements de marque, notamment ceux
qui vendent des robes de mariées réputées dans tout le pays.
A son
apogée, dans les années 70, la rue Dizengoff était décrite comme les Champs
Elysées de Tel Aviv. Mais surtout, elle incarne un art de vivre : jeune,
branché, festif, toujours vivant, devenu avec le temps la carte de visite de la
ville toute entière. C'est l'époque du film Dizengoff 99, un film culte
israélien qui raconte les histoires délurées d'une bande de copains et copines
d'une vingtaine d'années, célibataires, aguicheurs, culottés, le mode de vie de
la rue et bientôt de la ville. Dizengoff prend une telle importance dans
l'imaginaire des Tel aviviens que se crée un mot en argot hébreu, un verbe plus
exactement – Lehizdengef –, formé sur la racine de Dizengoff et qui signifie littéralement
se promener dans Dizengoff et plus largement, vivre à la sauce Dizengoff.
En
outre, la rue Dizengoff s'inscrit dans l'histoire de la ville par son nom, celui
de Méïr Dizengoff, qui fut le premier maire de Tel Aviv, de 1921 à 1925 et de
1928 à sa mort en 1936. Né le 25 février 1861 à Akimovici en Bessarabie,
il fut l'un des pionniers du mouvement des "Amants de Sion", fondé en Russie en 1881 par Léon Pinsker, et premier mouvement collectif populaire et
d'envergure à mettre en œuvre l'idée du « retour vers Sion ».
Installé dans le pays en 1892, Méïr Dizengoff créa la première usine d'Israël,
spécialisée dans la fabrication de verre, à Tantoura, avec le soutien du baron
de Rothschild. Il fut aussi l'un
des fondateurs du quartier "Ahouzat-Baït", la société qui devint plus
tard Tel Aviv.
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Rue Dizengoff de nos jours |
Méïr
Dizengoff fut surtout le chef de l'urbanisme de Tel Aviv de 1911 à 1922, avant
de devenir le premier maire de ce qui fut alors reconnu comme une ville. Impliqué
dans le développement de la ville blanche, il encouragea son expansion rapide
et mit l'accent sur le divertissement. Si les guides touristiques décrivent
d'abord Tel Aviv comme la ville où l'on s'amuse, c'est grâce à Méïr Dizengoff.
En 1936, lors de la grande révolte arabe, lorsque les Arabes fermèrent le port
de Jaffa aux Juifs, Dizengoff posa la première pierre et le premier pilier du
port de Tel Aviv, aujourd'hui lui aussi lieu de divertissement.
Et déjà, en
1930, après la mort de sa femme, il fit don de sa maison à la ville, pour en
faire un musée. Entièrement rénovée elle devint le Tel Aviv Museum of Art en
1932.
C'est alors l'époque
de l'immigration allemande et du Bauhaus, thème architectural qui décrit Tel
Aviv et dont le centre se trouve aujourd'hui au 99 rue Dizengoff, comme le nom
du film. Dans les années 30, la rue se développe et voit se construire en son
centre, une place publique, le kikar Dizengoff, qui porte non pas le nom de
Méïr Dizengoff, mais en fait celui de sa femme, Zina Dizengoff. La place est
surnommée à l'époque "l'étoile de Tel Aviv" en raison de sa forme, au
croisement de six rues qui s'y rejoignent. Depuis ses débuts, elle constitue
une place centrale de divertissement et de rencontres.
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Rue Dizengoff dans les années 30 |
Mais c'est en
1978, sous le mandat de Shlomo Lahat que le Kikar prit son allure actuelle,
surélevée. Les piétons doivent depuis monter pour accéder à la place tandis que
les voitures passent en dessous. Malgré les protestations des résidents, la
ville justifia ce changement par la nécessité de résoudre les problèmes de
circulation. Aujourd'hui encore la place Dizengoff fait polémique, certains y
voulant un parking tandis que d'autres réclament un espace vert. Mais surtout,
c'est en 1986 que fut enfin achevée la fontaine Dizengoff, érigée au milieu de
la place et qui symbolise si bien la rue toute entière. Une première fontaine
avait pris place en 1983 (sa construction avait débuté dès 1972 mais fut
retardée) avant d'être remplacée par l'œuvre d'art de Yaacov Agam, une fontaine
désormais historique. Pour son créateur elle incarne l'art juif, un art en mouvement,
cinétique, qui ne reste jamais immobile. Elle décrit d'autant plus cette idée
depuis sa rénovation de 2012, tout récemment. La mairie peut en être fière, aujourd'hui
les passants s'arrêtent pour admirer la fontaine Dizengoff, car elle fait
jaillir de grands jets d'eau comme dans un spectacle et chaque heure, se met à
s'agiter au rythme d'une musique classique.
Une nouvelle
attraction amusante, divertissante, dans la tradition de Dizengoff, dans la
tradition de Tel Aviv, pour les Tel Aviviens et tous ceux qui passent par cette
rue, après un café, quelques courses au centre commercial, quelques achats, un
mariage en prévision ou bien tout simplement après s'être laissé aller à
lehizdengeff, se promener dans Dizengoff.
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