Publié initialement en septembre 2007, sur le blog-notes de Misha Uzan
Amos Gitaï est un des cinéastes israéliens
les plus connus en Europe, c’est le plus invité des Israéliens, le plus chouchouté de la croisette — où il revient souvent pour ses films, de Kadosh à Kedma. Bref un cinéaste adulé en Europe et
particulièrement en France, où il passa justement quelques années après la première guerre du Liban en 1982, avant de revenir en Israël en 1993. Adulé pour son art certes, mais aussi pour sa
critique de la société israélienne. Car comme toute société, elle n’est pas parfaite. Elle a ses défauts comme son identité. Mais son identité est-elle son défaut ? Certains ont pu lire
cette critique radicale dans les films d’Amos Gitaï, souvent sévères et presque toujours concentrés sur la société juive israélienne. En ce qui concerne les défauts en tout cas. Car
Gitaï a quelque chose d’irritant pour un pays en guerre, à qui on impose, une, et des guerres. Sa critique est souvent facile, bien-pensante diront d’autres, unilatérale sans doute. Mais c’est
aussi ça le cinéma, le 7e art ou l’art de tourner en dérision sa propre société, sa propre identité et son rapport à l’Autre, aux autres, fussent-ils des ennemis.
Toutefois, on sait aussi que ce n’est pas un hasard si Amos Gitaï a tant de succès en France et en Europe, alors qu’il en a si peu en Israël où il est très peu connu. Il flatte la critique
européenne d’Israël, voire sa condamnation. Dans sa trilogie sur les frontières bien sûr : Terre promise en 2004, Free zone en 2005 avec Nathalie Portman, et
Désengagement qui sortira bientôt avec Juliette Binoche. Mais aussi dans ses films sur des villes israéliennes : Tel Aviv dans Devarim (Les choses), Haïfa dans Yom
yom (Au jour le jour) et Jérusalem dans Kadosh (Saint). Ce dernier est particulièrement connu. Adaptation de La répudiée d’Eliette Abécassis, il raconte d’un côté
l’histoire d’une femme juive orthodoxe (hassid) répudiée à contrecœur par son mari après 10 ans de mariage sans enfant, de l’autre celle d’une jeune fille maintenue et mariée au sein de ce milieu
orthodoxe du quartier de Mea Sharim à Jérusalem. Le film est beau, comme le roman, touchant et émouvant. Il est critique envers la tradition juive orthodoxe et la place qui y est faite aux
femmes. La critique est juste et il ne s’agit pas de la remettre en cause. Mais c’est donner au public non averti une fausse image, du moins une image très partielle — et partiale — de cette
communauté, de leur mode de vie et de leur philosophie, que d’en rester là. Si Amos Gitaï a un défaut, c’est bien qu’il en reste là.
D’autres donc font le reste du travail. L’année dernière,
Giddi Dar, autre réalisateur israélien, bien moins connu qu’Amos Gitaï en France et en Europe, réalisait Ushpizin : une façon de désigner les invités d’une
souccah, une cabane de la fête des cabanes (souccot), célébrée au début de l’année du calendrier hébraïque (septembre-octobre) en souvenir dans la tradition hébraïque, des cabanes ou tentes
construites par les Hébreux lors de leur passage de 40 ans dans le désert du Sinaï, après la sortie d’Egypte. Puisque la semaine de Souccot commence dans quelques jours, l’occasion nous est faite
de revenir sur Ushpizin. Un film, en apparence étrange, et critique par ce biais, représentant l’histoire d’un couple religieux orthodoxe du même quartier de Mea Sharim, face à des
invités « surprise », quelque peu gênants. Sans argent et sans enfant, ce couple prie, mais prie seulement, pour passer de bonnes fêtes des cabanes. En cela on reconnaît le caractère
très déterministe et inactif d’orthodoxes sans travail, ne vivant que grâce à l’aide extérieure (de riches orthodoxes parfois) et ne sachant que prier et étudier les textes de la tradition juive.
Mais on découvre aussi l’hospitalité juive, l’accueil, la bonté et la volonté de rendre heureux ses hôtes, d’une façon si obstinée qu’elle en devient presque stupide. Stupide mais généreuse.
Naïve mais fondamentalement bonne. Bref un film où l’on pénètre au cœur d’un milieu très différent, qui nous est étrange et étranger, mais dont on essaie de comprendre les ressorts, les bons et
les mauvais côtés.
Tourné avec la participation de nombreux orthodoxes recrutés pour l’occasion, l’acteur principal, Shuli Rand, bien qu’élevé dans une famille orthodoxe, ancien laïc, est lui-même redevenu
religieux. Confronté aux deux « mondes », et acteur avant de faire Tshouva (repentance, c’est-à-dire retour à la religion) il a voulu par ce film, faire découvrir son nouvel univers.
Une comédie touchante dont nous avons sélectionné quelques extraits qui permettront aussi à tous, de découvrir la fête de Souccot.
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