Avec Tel-avivre.com – Par Misha Uzan
Hovevei Zion est l'une de ces petites rues de Tel Aviv dans lesquelles on
échappe au bruit du centre cille et des voitures.
Membres des Hovevei Zion aux débuts du Mouvement |
C'est une rue résidentielle classique du centre de Tel Aviv, elle a la
chance d'être calme et agréable. Elle commence côté sud au croisement de la rue
Trumpeldor et à proximité du cimetière du même nom, où sont enterrées de
nombreuses personnalités de l'histoire d'Israël depuis plus d'un siècle, elle
se termine côté nord au croisement avec la rue Frishman. Elle est très proche
de la mer et de la rue Ben Yehouda, et elle est bien desservie en service avec notamment
une caisse de maladie Clalit et une école.
En son centre, Hovevei Zion croise la rue Bograshov, la grande rue du
quartier, dont on se souvient qu'il a été construit à partir des années 20 pour
accueillir les Juifs qui fuyaient les émeutes arabes de Jaffa et qui furent expulsés
de leurs logements au cours des violences. Hovevei Zion appartient à ce
quartier.
Mais si cette petite rue a pris ce nom, c'est parce que Tel Aviv ne pouvait
pas se permettre de ne pas avoir une rue rendant hommage aux Amants de Sion,
un mouvement juif populaire fondé en Russie suite aux pogroms de 1881, avec
pour président Leon Pinsker et pour premier secrétaire Moïse Leib Lilienblum.
Moins connu du grand public qu'un grand personnage comme Theodore Herzl,
les Amants de Sion (Hovevei Zion, on dit aussi parfois Hibat Zion) n'en
sont pas moins un mouvement majeur, essentiel, du sionisme moderne. A ses
débuts le mouvement fut appelé L'Amour de Sion, l'idée du retour à Sion
pour les Juifs en fut le centre.
Les Amants de Sion furent l'application concrète, sous la
forme d'implantations juives - ce qu'on a appelé le sionisme pratique -, de ce
qui fut de nombreuses fois théorisé dans les années qui ont précédé par des
penseurs comme Moses Hess, des écrivains comme David Gordon, Peretz
Smolenskin, Eliezer Ben Yehouda ou encore des rabbins tels que Tzvi Hirsh
Kalischer et Yehouda Alkalay et par la suite par Leon Pinsker et Moïse
Lilienblum. Les Amants de Sion furent les premiers à mettre en
application ces écrits en allant s'installer sur la terre d'Israël, à cette
époque aux mains des Ottomans.
Si Leon Pinsker apporta
les germes idéologiques de L'Amour de Sion dans son livre Autoémancipation,
édité en 1882, la conférence de Katowitz fut la première rencontre
officielle de l'organisation des Amants de Sion, et rassembla 35
représentants venant de différents pays. Une sorte de Congrès avant le Congrès.
Car en effet, bien avant le premier Congrès sioniste de Bâle, les Amants de
Sion établirent le manifeste de L'Alliance des Amants de Sion,
sous la présidence du Dr Pinsker. Cette alliance fut au
départ baptisée « Souvenir de Moïse », en hommage à Sir Moïse
Montefiore pour ses actions en faveur des Juifs dans le monde et dans le
pays d'Israël.
Né en Russie, destiné à être appliqué
dans le pays de Sion, le mouvement des Amants de Sion n'en fut pas moins
répandu dans tous les centres juifs du monde entier. Mais en Europe centrale et
occidentale, il prit une forme plus culturelle. En Europe de l'ouest, les Amants
de Sion combattirent l'assimilation à une époque où Theodore Herzl, peu
connu alors parmi les Juifs, y croyait encore. Les Amants de Sion posèrent
les jalons du mouvement sioniste politique et diplomatique de Theodore Herzl,
qui se rallia au sionisme moderne naissant, en réalité avec un peu de retard
sur les militants sionistes de Russie.
Certaines propositions du congrès de
Katovitz en 1884 furent les prémisses de celles du Congrès sioniste de 1897.
Par exemple, Tzvi Herman Shapira y proposa de créer un fonds d’achat de
terres : ce fut quelques années plus tard le Fonds national
juif (KKL).
Les Amants de Sion qui s'installèrent
en Israël à partir de 1881, sont généralement désignés aujourd'hui comme
faisant partie de ce qu'on appelle la première aliya. Mais très vite, dès la seconde
conférence des Amants de Sion à Drusknik en 1887, apparurent des antagonismes
entre les jeunes Amants laïcs comme Menahem Ussishkin ou Méïr Dizengoff – qui
fut plus tard le premier maire de Tel Aviv - et les tendances orthodoxes, sous
la conduite du rabbin Samuel Mohaliver.
Bientôt, l'influence orthodoxe se renforça,
jusqu'à l'adhésion de l'organisation Bneï-Moshé qui renversa la
tendance en faveur des religieux. L'association prit alors la voie d'une
idéologie nationale culturelle.
Les Amants de Sion furent
aussi à l'origine de plusieurs associations comme l'association Langue claire qui
fit la promotion du renouveau de l'hébreu et de l'édition d'œuvres littéraires,
ou encore, en 1890, avec l'accord du gouvernement russe, d'une association
d'aide aux agriculteurs et artisans qui s'étaient installés au pays d'Israël.
Lorsque naquit le mouvement d'Herzl, les Amants de Sion le rejoignirent et ne furent
plus alors qu'un courant au sein du grand mouvement sioniste, mais un mouvement
pratique à l'origine de la création de nombreuses communautés.
On compte à leur actif la création de
villes comme Rishon Le Zion, Petah Tikva, Rosh Pina, Zikhon Yaacov ou encore
Yessod Hameala. A noter également que les implantations des Amants de Sion
connurent souvent des difficultés et un manque de ressources, Petah Tikva par
exemple fut un moment abandonné, faute de conditions de vie suffisantes. L'aide
extérieure et la persévérance ont payé pour faire aujourd'hui de ces villes des
lieux souvent agréables, voire réputé dans le cas de Zikhon Yaacov.
A Tel Aviv, la rue Hovevei Zion est une rue calme et bien située, bref une
réussite.
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